Aurélien Guilbert Interview

Interview d’Aurélien Guilbert (Déchus)

Aurelien Guilbert Dechus Couv

Suite à une soirée lors de laquelle Aurélien Guilbert dédicaçait le premier tome de Déchus, nous avons vite sympathisé et convenu d’une interview pour en savoir davantage sur lui et son univers.

– Peux-tu nous parler de ton parcours, tes études et ton travail actuellement ?
Vaste sujet !… (rire)
Avant tout, merci pour cette interview et l’intérêt que tu portes à mon travail.
Pour résumer, j’ai fait des études de communication visuelle, qui m’ont ensuite menées à devenir web designer pendant 7 ans pour un groupe de com lillois.
Mais depuis 4 ans, je suis professeur d’Arts Appliqués à mi-temps, ce qui m’a laissé la possibilité de mettre en place mon projet de BD et d’entamer ma carrière d’auteur.
Et me voilà donc aujourd’hui, gentil prof le jour, et bédéaste pervers la nuit ! (rire)

– A la lecture du tome 1 de Déchus (qui est, si je ne me trompe pas, ta 1ère BD publiée), on sent beaucoup d’influences diverses, notamment Frank Miller pour la colorisation d’un élément sur un fond noir. Peux-tu nous en dire davantage ?

Évidemment, l’influence de Miller, j’aurais du mal en en faire l’impasse : c’est sans doute l’auteur de comics que j’admire le plus, même si ses derniers travaux ont selon moi énormément baissé en qualité. Mais bon, on ne peut pas révolutionner le monde de la BD tous les jours non plus !
Il est clair que visuellement, Sin City a eu un impact très fort sur « Déchus », même si Miller n’a jamais prétendu être l’inventeur de ce style tout en contraste.
Mais très franchement, je dirai que c’est avant tout son style d’écriture qui m’a influencé, j’admire notamment Miller pour ses structures narratives éclatées, et Joss Whedon pour son génie de dialoguiste.
Maintenant, comme tu l’as dit, « Déchus » est ma première BD -en dehors que quelques strips internet- et il me faudra sans doute du temps pour digérer toutes mes influences et les amalgamer en un style qui me sera propre.

Je citerai également Klaus Janson, Jock, John Paul Leon et… Alex Varenne parmi les dessinateurs en lesquels je me reconnais le plus, même si je ne me considère pas comme un grand artiste, et plus comme un « scénariste qui dessine » que comme un « dessinateur qui écrit ».

Sinon mon dessinateur érotique favori reste comme pour beaucoup Manara, même si nos univers sont très éloignés. Quoique, il a bien dessiné récemment une aventure des X-Men !

– D’où t’es tu inspiré pour l’histoire de la saga? A quel point en est l’écriture ?

L’histoire de « Déchus » est en fait une synthèse de plusieurs scénarios que j’avais écrits, et dont certains remontaient à mon adolescence, mais qui n’avaient jamais été finalisés.

J’ai donc pioché de ci de là les éléments qui me semblaient les plus intéressants, et je les ai rassemblés dans un tout cohérent.

Il faut dire qu’on retrouve souvent les mêmes obsessions et des thèmes récurrents dans mes histoires, ce n’est pas comme si j’avais essayé de croiser Spirou avec Ranxerox ! (rires)

Ce que je voulais avant tout avec « Déchus », c’est avoir le contrôle total !

Il me semblait impossible de rendre la série digne d’intérêt sans aborder les scènes de violence, de sexe, ou les thématiques « sensibles » de façon frontale.

Je vois mal comment « Déchus » aurait pu conserver le même impact si j’avais fait des compromis…

En ce qui concerne l’écriture, l’ensemble de la série prévue en cinq tomes est déjà en place : je sais ce qui va se passer dans chaque volume, et comment finit l’ensemble.

Mais j’écris les dialogues au fur et à mesure que je réalise le découpage de chaque album, un peu comme pour les comics. Cela me laisse une marge de manœuvre et de spontanéité en cas de nouvelle idée à intégrer, ou de changement à effectuer dans le déroulement de l’intrigue.

– Tu es à ce point religieux ?

Ouh là, pas du tout en fait ! (rire)

La religion est un sujet qui me fascine, je l’admets, mais je ne suis ni pratiquant, ni vraiment croyant d’ailleurs. Je pense que oui, bien sûr, certaines choses nous dépassent, et que la foi comme moyen de dépassement de soi peut déplacer des montagnes. Mais le coup du vieux barbu dans les nuages qui crée le monde en sept jours et se boit tranquillement une binouze le huitième, ça non.

Par contre, l’aspect corporatiste du clergé et sa capacité de manipulation des masses m’a toujours intrigué.
En fait, on pourrait dire que j’aime l’idée de Dieu comme symbole de perfection à atteindre, mais pas celle de la Religion, qui n’est qu’un moyen de contrôler le peuple et de justifier toutes sortes d’atrocités bassement humaines.

Le sujet sera d’ailleurs largement abordé dans la série, tu t’en doutes.

– Tu nous as dit travailler à partir des outils numériques essentiellement. Peux tu nous expliquer les différences entre le dessin « traditionnel » et le numérique ?

C’est simple : aucune page de « Déchus » n’existe sur papier ! L’ensemble du travail visuel est réalisé dans le logiciel Photoshop, à l’aide de ma fidèle palette graphique !

Mais cela reste techniquement du dessin, puisque j’utilise un pinceau « virtuel » exactement de la même façon que si je travaillais sur feuille.

La seule différence, en fait, est celle du support : l’écran plutôt que le papier.

L’explication ? Cela me permet de gagner du temps, et c’est tout simplement une méthode de travail à laquelle je me suis habituée durant mes années en agence de pub et qui aujourd’hui me convient très bien.

– L’univers de Déchus est définitivement pessimiste et sombre. C’est une des rares BD avec laquelle je prolongerai l’expérience avec une bande-son. Qu’en penses-tu ?

Entièrement d’accord !

D’ailleurs, tu ne crois pas si bien dire, puisqu’avant même de travailler sur un album, j’en compose la bande-originale idéale ! Cela me sert à entrer dans l’univers que je veux mettre en place, et je serai incapable de faire sans cette étape !

J’invite d’ailleurs les curieux à se rendre sur la page Facebook de « Déchus », où je mets en ligne les listings de ces « compilations ».

Et si je devais ne choisir qu’une seule chanson pour résumer l’univers de la série, ce serait « You love me to Death » de Hooverphonic. Ce groupe mériterait d’être canonisé ! (rires)

– Par extension, tu es impliqué dans Internet où tu tiens toi même le site de « Déchus » (entre autres). Vois-tu des liaisons possibles entre la BD et cet autre média ?

Clairement, pour moi, « Déchus » est et restera une BD destinée à une publication sur papier. Je ne me vois pas du tout l’adapter en Ebook ou en version web animée.

Par contre, l’idée d’en élargir l’univers via un site internet ou des projets annexes multimédias, j’adore ça ! D’où la bande-son, le site internet, la page Facebook…

Un excellent exemple serait à mon sens la série « Freakangels » de Warren Ellis et Paul Duffield : ses pages sont diffusées en pré-publication sur Internet, mais elles restent aussi pensées pour une édition papier, et les albums publiés ensuite sont d’ailleurs magnifiques.

Je trouve ce principe très intéressant.

Qui sait, peut-être pour une prochaine série ?…

Vous pouvez suivre le travail d’Aurélien Guilbert sur son site www.aurelienguilbert.com et vous procurer Déchus sur le site des Editions Tabou.

Merci à lui pour sa disponibilité, sa franchise et les pages servant à illustrer cet interview !

2 commentaires

  1. bderotique a dit :

    Pour continuer autour de Hooverphonic, je conseille Eden http://www.youtube.com/watch?v=Ue0x04PhQkA qui reste dans le thème 😉

  2. Sympa cette interview !
    Très bonne première BD aussi !

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